Butterflies & Hurricanes
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 Nous sommes l'Aube.

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Gérard
Le Rêveur.
Le Rêveur.
Gérard


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description: Il a un tatouage au dessus de l'oeil droit, et il dort très souvent.

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MessageSujet: Nous sommes l'Aube.   Nous sommes l'Aube. Icon_minitimeLun 27 Aoû - 20:56

"Nous sommes vastes, vastes, et pourtant si insignifiants. Nous ne sommes nulle richesse, nulle pauvreté. Nous sommes..."

Gérard contempla la forêt dans laquelle il avait marché pendant plusieurs heures déjà. Vision couleur émeraude, ternie par des yeux vieillissants.

"Qui sommes-nous ? Où sommes-nous ? Quand sommes-nous ?"

Ses pas se firent plus lourds, il tituba, finit par s'effondrer dans la terre sèche. Qu'il était doux d'être allongé sur la terre. Qu'il était douloureux d'être debout sur le Monde. Vivre. Voilà ce qui était réellement compliqué. Il ne voyait rien que quelques tâches colorés. Comme c'était joli. Comme c'était moche. Avec un terrible sentiment de lassitude, il comprit que son coeur était toujours en train de battre dans sa poitrine. Comme c'était horrible. Il força sur ses bras, puis sur ton son corps, et, essoufflé, tremblant, il parvint à se remettre debout. Le vent qui se bousculait dans les arbres l'assourdissait. La mélodie des oiseaux était une plaie. Mais il était enfin debout sur ses deux pieds, et son coeur lui procurait une sensation étrange.

"Je ne peux même pas voir les nuages, à travers cette marée de feuilles. Seulement du marron et du vert, mais d'infinies variantes de ces deux seules couleurs. Je devrais apprendre à les discerner. Un monde de plus à connaître. Ironique."

Il était resté éveillé toute la nuit à tenter d'apercevoir l'avenir, et il n'avait pas pu pénétrer les défenses de son plus redoutable adversaire : le destin. Mais il avait aperçu un chemin.

<<Gérard, sommes-nous encore loin ?>>

Ils avaient lu des documents sur l'emplacement du Puits sans Fond. Peut-être était-il temps pour certains d'en entendre la légende.



Mille ans auparavant était un temps de guerre et de batailles contre les Démons. Durant les vingt dernières années de cette guerre, un héros rassembla tous les peuples libres et lança un ultime assaut dans les plaines au nord de Deux-cent Tours, qui fut érigée à cette même époque. Deux-cent Tours, et Deux-cent Démons Majeurs. De cette bataille, le Dieu qui deviendra Empereur ressortit vainqueur, et, avec l'aide d'un sort magique surpuissant, bannit tous les Démons de la surface de la terre, les condamnant à être éternellement enfermés dans un puits, un puits sans fond. Tous sauf un, Satonys, qui semblait chercher à libérer ses pairs.

Donc, si les forces du mal, 999 ans après cette bataille, cherchaient à libérer les démons enfermés, ils devaient se rendre au puits sans fond pour défaire le sceau... Et la seule personne au monde à connaître ce sceau était l'Empereur lui-même. C'était donc une course mortelle, au premier arrivé au puits.

Le puits était perdu dans les montagnes au Nord, mais une gigantesque forêt avait poussé sur la montagne, rendant l'accès à son emplacement incertain.



<<La Bataille de Deux-cent Tours a commencé. Si nous n'avons pas atteint le puits d'ici ce soir, tout est perdu.
-Je sais. Je suis désolé d'être un fardeau.>>


Túrin ne trouva rien à y répondre. Ils étaient partis avec Doré, mais celui-ci était reparti, les laissant dans la forêt. Il n'y aurait pas un dragon de trop pour faire diversion sur le champ de bataille. Curieusement, le groupe était constitué d'une autre personne : Laly, la jeune Animalitos. Celle-ci n'était guère bavarde, et se contentait d'être parfois émerveillée par les arbres, parfois d'être tout aussi exténuée que Gérard. Elle finit par aller voir son ami, et lui porta un regard inquiet. Gérard avait même fini par restreindre les illusions qui planaient sur son visage pour conserver de l'énergie.

<<Faisons une rapide pause avant de reprendre le chemin.>>

Ainsi, une pause fut prise. Gérard en profita pour enlever sa capuche. Nul ne savait ce qui se passait à Deux-cent tours, sans nul doute, un terrible combat faisait rage depuis des heures... Midi était passé. Les deux jeunes gens s'adossèrent à un arbre en buvant un peu de thé, tandis que Túrin se promena dans son coin, essayant de contacter Doré pour obtenir des nouvelles.

Quelques minutes passèrent dans le silence.

<<Mon visage ne vous plaît pas ? Vous n'avez pas arrêté de le regarder, depuis tout à l'heure.
-Je voulais voir ton visage tout ce temps. Je n'avais pas cru à ton histoire larmoyante sur tes parents, l'incendie... Je ne voulais pas croire que ton intérêt pour moi était sincère, et pourtant, tu m'as sauvée, et tu as enduré tant de choses pour moi, pendant les voyages que nous avons fait... Tu es tellement ambigu. Peu importe ce que les autres pensent, tu es gentil, au fond.>>


Gérard sourit faiblement. Après s'être lissé les cheveux en arrière, il ramena sa jambe à lui, l'entourant de ses deux bras.

<<Je ne savais pas que quelqu'un comme toi existait...
-J'ai toujours su que vous existiez. Je vous ai attendu tout ce temps. J'ai attendu le jour où nous pourrions nous sauver l'un l'autre de notre solitude.
-C'est injuste... Je ne veux pas que tu partes.>>


Gérard, inexpressif, ferma les yeux. Partir.

<<Je ne partirai jamais, Eulalie.
-Vraiment ? C'est promis ?>>


Comme seule réponse, un silence. Puis :

<<C'est promis.
-Raconte moi... Comment tes parents sont vraiment morts. Pas de mensonge, cette fois !
-... Mes parents... Ne me parlaient jamais. J'ai été élevé au milieu de l'argent, et quand j'ai découvert que ce n'était pas ce à quoi j'aspirais... Un soir, je suis allé m'endormir, et le lendemain, ils étaient morts.
Je suis une mauvaise personne, Eulalie, je suis très égoïste et je me sens insatisfait chaque fois que je n'ai pas l'ascendant sur une personne. Je... ne peux pas m'empêcher d'en vouloir à tous ceux qui m'entourent. Peut-être que dans des univers parallèles, je suis resté passif face à la fin du monde, parce que je n'avais pas envie de révoquer le destin.[/color]
-Ça, ce n'est pas grave ! Tu dois faire ce que tu peux, ici et maintenant. Sinon... Sinon il se passera trop de mauvaises choses. Il ne faut pas abandonner, je ne te laisserai pas !
-Eulalie... Merci.
-Allez ! On va mettre la pâtée à cet empereur, après, on ira prendre un verre dans la taverne avec le tas de compost et les autres !>>


Gérard se sentait plus léger qu'avant. Il était content d'avoir rencontré Eulalie, Owein, Ryooo, Geki, Kalannar. Tous étaient proches de lui. Tous s'inquiétaient pour lui. Tous avaient mis leur vie en jeu. Il ne devait pas les laisser tomber, pas maintenant. Il serra son poing.

La différence, entre abandonner... Et ne pas abandonner.

Ils retrouvèrent Túrin un peu plus loin. Celui-ci n'avait pas réussi à rejoindre Doré. Il n'avait eu qu'un visuel de feu ardent. Le combat avait gagné en intensité. Il espérait que leurs amis tenaient bon.

Ils marchèrent encore une heure. Chaque pas pour Gérard n'était pas une torture. C'était un cataclysme qui révolutionnait son corps tout entier. Inébranlable, le monde le frappait avec toute sa puissance. Le vent semblait anéantir les arbres. Sous ses yeux, la forêt disparaissait, arrachée par un tourbillon dévastateur. La terre se fissurait, les nuages se fracassaient sur le monde, et il ne restait plus qu'une étendue de deux couleurs. Noir, et noir clair. Et enfin cet interminable attente. Cette voix résonnante.

"Il n'y a plus rien."

Puis, Gérard revenait au monde présent. Il s'était écoulé des millénaires, mais il n'avait fait qu'un pas. Il avait revécu des siècles de destruction, mais il n'avait fait qu'un pas. Les secondes de désillusions étaient passées, emportant la joie et l'amour, mais il n'avait fait qu'un pas. Et au pas suivant, la tourmente recommençait, plus violente encore. Pourtant il tenait bon, parce qu'un pas arriverait, où ils trouveraient le puits sans fond, et la réponse à ses questions viendrait. Enfin, Gérard eut une vision différente.

Tout recommença. Mais plus lentement. Gérard fit un pas, puis deux, puis trois. Surpris que les visions se soient arrêtés, il se retourna. Un mur invisible s'approchait, ternissant la couleur du ciel et de la terre. Gérard commença à courir pour y échapper, voulut prévenir Túrin et Laly, mais ils avaient disparu. Alors il continua à courir, le plus loin possible. Mais il fut touché par la vague, et s'effondra par terre. Immobile, il contempla la fin du monde à petit feu. Les feuilles tombèrent, se fanèrent, et un éternel hiver recouvrit le monde. Toute matière se désagrégea pour laisser place à un océan de vide. Le vent continuait à frapper Gérard, lui faisant perdre ses vêtements, sa peau, ses os. Aucune douleur. Et lorsqu'il n'était plus qu'un esprit, plus qu'une ombre mortifiée de la fuligineuse et vespérale plaine, un reflet noyé dans le creux infini, la voix retentit, plus calme, plus douce. Le bruit du vent qui lui brisait les oreilles jusqu'ici, s'interrompit.

... Il n'y a plus rien...

...

...

...

Après quelques minutes de silence, une musique commença à jouer. Comme pour signifier que le monde était réellement fini, que tout avait été accompli. C'était une lamentation, douce, sereine, sombre. Dernier témoin du monde enfoui, Gérard tendit l'oreille pour écouter la dernière mélodie de la terre. Voilà ce qu'allait devenir le monde. Le destin de tous, était de rejoindre cette abîme, comprendre qu'il n'y avait plus rien, à part cette mélodie, puis rejoindre le néant total.

C'est fini.



Gérard s'arrêta. Hésitant, il fit un pas, un autre. Il jeta un oeil en arrière. Aucun mur. Il revint à Laly et Túrin. Ils étaient toujours là, et s'étaient arrêtés pour le fixer.

La mélodie avait disparu de sa conscience. Plus aucune vision. Ses membres étaient redevenus à peu près confortables. Le puits sans fond était entré en résonance avec Gérard. Il avait un message à lui transmettre. Il devait s'y rendre au plus vite. Ses amis le regardèrent, curieux. Il parla d'une voix extrêmement grave :

<<Nous sommes tout près.>>
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SASEB
L'Ordre
SASEB


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Localisation : La 200ème Tour.

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MessageSujet: Re: Nous sommes l'Aube.   Nous sommes l'Aube. Icon_minitimeLun 27 Aoû - 22:07

Les arbres ployèrent, les cieux eux-mêmes furent pourfendus par le vol du dragon rouge, Gemme. Le Dieu-Roi ordonna à sa monture de plonger vers le sol, car il avait décelé la présence de quelques âmes irrégulières parmi les frondaisons. En un éclair, Gemme réduisit en charpie les environs. Il s'écrasa lourdement par terre, crachant des flammes sur les arbres. Le coeur de Túrin défaillit, et il y avait de grandes chances pour que ses deux compagnons aient ressenti la même chose. Deux yeux se posèrent sur le groupe d'aventuriers. Son Altesse Sérénissime, l'Empereur de la Bravoure, SASEB, vêtu de son armure de guerre immaculée, parla d'une voix incroyablement riche et puissante.

<<Mes excuses pour cette entrée en scène fracassante. Huhuhu.
-Je sais qui tu es ! Pourquoi t'es-tu allié aux démons ? Pourquoi avoir fait une croix sur les batailles que tu as mené il y a un millénaire ?!
-Mais... Je ne me suis jamais allié aux démons.>>


Le dragon écarta les ailes en grondant, claquant des griffes, prêt à tuer. La scène avait un côté surréaliste.

<<Le sceau ne peut être défait, en aucun cas. J'ai essayé durant des décennies. Mais quand bien-même, Túrin... Quand bien même il y avait un moyen de créer une simple brèche dans le sceau, en créant une ouverture... Ailleurs. Imagine le pouvoir que l'Homme gagnerait, s'il pouvait maîtriser le côté démoniaque !
-J'ai connu des braves qui ont eu les mêmes idées et qui ont rencontré une bien triste fin.
-Hahaha. Ne suis-je pas moi-même l'Empereur de la Bravoure ? Si quelqu'un peut dompter leur puissance, alors c'est la personne que tu as en face de toi. En utilisant les démons, en les asservissant, je pourrai créer un véritable monde de Paix ! Plus d'inégalités. Plus de famine, de maladie, de révolte. Je bannirai la mort elle-même de ces contrées, comme toi et moi avons pu le faire pour nous-mêmes !
-Ce que tu veux faire n'est que folie ! Tu perdrais ton humanité, et bien plus...
-Je vois, à présent, Túrin. Tu n'es qu'un imbécile fini qui est terrorisé. Toi et ton copain vivez dans des montagnes depuis des millénaires. Tu es devenu paranoïaque. À propos de ton vieux compagnon, je me demande ce qu'il fait, depuis le temps. Peut-être n'a-t-il pas apprécié la façon dont vous vous êtes quittés. Que penses-tu qu'il ferait, s'il te revoyait...?>>


Túrin ne trouva rien à répondre. Il baissa la tête, devant l'Empereur qui arborait un air satisfait. Ses mains étaient crispées. Il n'était pas vêtu en armure de guerre complète comme la dernière fois. Mais il possédait toujours sa redoutable épée noire, qu'il tira de son fourreau.

<<Tu penses sérieusement pouvoir gagner contre moi ? Moi qui suis devenu des dizaines de fois plus puissant que tu ne l'as jamais été ? Je suis un Dieu. Personne ne peut vaincre un Dieu. Tu prends la grosse tête parce que tu as pu t'échapper grâce à une pirouette de ton ami encagoulé qui se cache derrière une fillette, là-bas, mais ne pense pas que les illusions marcheront une seconde fois sur moi.
-J'ai pourtant entendu parler d'un enfant qui t'aurait tenu tête pendant des heures.>>


Cette fois-ci, ce fut SASEB qui se tut.

<<Cette épée a tué plus de dragons qu'il n'y a d'étoiles dans le ciel. Et les deux seules personnes capables de te vaincre sont ici..>>

Un silence de mort régna.






SASEB se souvenait.




Il se souvenait d'une matinée de ce Printemps passé. Ce n'était pas longtemps auparavant. Au sommet de la 199ème Tour, il avait commencé à neiger. Une neige qui s'effaçait en touchant le sol, mais tout en haut, elle tourbillonnait. Pendant toute une journée, il combattit de toutes ses forces... Un gamin armé de sa seule épée, avec un corps frêle, des cheveux noirs, des yeux bleus. Il portait une chemise blanche et un pantalon noir. Et il s'était battu... Toute une journée, sous la neige, sans jamais se fatiguer, parant chaque coup, esquivant chaque sort. Au final, l'Empereur lui-même avait été sur la défensive, incapable d'en finir.

Túrin rompit le silence.

<<Pour rentrer dans la Confrérie de l'Albâtre, il y a deux conditions requises. Gravir la 199ème tour dans laquelle neuf épreuves d'adresse, d'intelligence et de vivacité sont imposées. Puis, au sommet de la Tour, le candidat est évalué au combat par un membre de la Confrérie. Tu avais été choisi comme représentant, ce jour là.>>

Il se souvint de la façon dont tout avait commencé. Seul un fou aurait demandé à se battre contre l'Empereur en personne. Il se rendit à la tour, pensant qu'un peu d'exercice ne lui ferait aucun mal. Puis, il avait attendu au sommet, tout ça pour qu'un adolescent frêle et chancelant se montre devant lui.
Il l'avait envoyé au tapis d'un claquement de doigt, et s'était apprêté à repartir, mais... L'enfant s'était relevé. Et il avait commencé à neiger.

<<Peu importe. Il est mort, je m'en suis assuré.
-Je vais te le demander une dernière fois. Cesse immédiatement cette entreprise ! Rejoignons Deux-cent Tours et laissons le passé reposer en paix !
- ... Je ne le puis...>>


L'homme de la vieille légende se mit alors en garde.

<<Gérard, Laly ! Ceci est mon combat. Courrez au puits sans fond, je vous y rejoins !>>

("Gérard ?")

Ignorant qu'une cinquième personne les observait, tapi dans l'ombre d'un arbre, les deux ennemis se toisèrent. SASEB sortit à son tour sa lame. Le combat le plus important depuis des siècles était ici, juste ici. SASEB se laissa aller à toute sa rage, toute sa colère, et Gemme invoqua sa puissance dévastatrice. La terre trembla, témoignant de l'assaut imminent. La sagesse millénaire de Túrin suffirait-t-elle à mettre au tapis l'Empereur incontesté ? Ou bien aurait-il besoin de l'aide d'un jeune garçon venu de nulle part, prétendu mort ?
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Túrin et Doré
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Túrin et Doré


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description: Vos vies si complexes ne sont que la maillage d'une vérité bien plus vaste...

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MessageSujet: Re: Nous sommes l'Aube.   Nous sommes l'Aube. Icon_minitimeSam 13 Oct - 23:38

Le sol jonché d'éclats de bois crépitait, embrasant quelques touffes d'herbe clairsemées. Çà et là, des souches à moitié déracinées fumaient, polluant l'air pur de la montagne. D'un air distrait, Gemme ramassa un morceau de tronc pointu entre deux de ses griffes, et entreprit de retirer les restes de viande qui étaient coincés entre ses crocs. Apparemment, il était satisfait de son entrée en scène.

Túrin ne s'attarda pas à noter ce détail étonnant, planta Anglachel sa noire lame dans le sol puis entreprit de détacher la broche qui maintenait sa cape de voyage. Le vêtement tomba en cascade à ses pieds, sans bruit. Il ferma les yeux. Les oiseaux avaient cessé de chanter. Seule une vibration sourde emplissait l'air, une vibration composée en trois temps.

Le premier était à peine perceptible, profond et doux, comme le chant d'une baleine au fond de l'Océan, comme une brique chaude au fond d'un lit. C'était une toile de fond peinte des essences du Lieu, imprégnée de l'Histoire qu'avait vécu ce ciel et ces montagnes, et des terribles pouvoirs qu'elles abritaient.
S'ajoutait sur ce premier temps un fil continu montant et descendant, grondant et sifflant, une lente rythmique d'air et de souffre. La lente respiration de Gemme. Enfin, le troisième temps plus rapide, coloré d'un alliage de passion, de peur et de concentration, était à l'intérieur même d'Owein. Le battement de son cœur, sa respiration maîtrisée, la sueur coulant le long de sa tempe, ses doigts crispés.
Il se laissa choir dans le premier temps, l'écouta, lui parla, rentra en phase avec lui. Parallèlement, il tendit l'oreille au second temps, guettant le moindre changement. Quand il fut satisfait, les composantes du troisièmes temps s'harmonisèrent parfaitement, dans la quiétude.
Ceci ne prit qu'une poignée de secondes. Au milieu de ce tableau, l'esprit de Túrin distinguait l'aura d'une flamme haute et claire, immobile. Comme sous l'effet d'un soufflet, la flamme s'avança soudain, et le rythme du second de temps se ralentit dans une inspiration funeste.

Túrin ouvrit les yeux, des yeux totalement bleus, distillant une lumière d'un autre monde. L'inspiration du Dragon se bloqua, puis un rayon aveuglant de flammes jaillit de sa gueule droit sur le Forge Rune, qui l'évita par une roulade, se saisit d'Anglachel au passage et fonça vers le Dieu-Roi en hurlant. Passant de la poussière à l'air, le compagnon de Doré sauta pour échapper à la large lame qui décrivait une courbe stridente à quelques millimètres de lui. Alors que l'Altesse Sérénissime l'Empereur de la Bravoure était entraîné en avant par le poids de sa propre arme, l'homme qui l'affrontait se réceptionna en posant sa main droite tenant son épée à terre, et de l'autre il agrippa la cape pourpre cousue d'or du Dieu et de toutes ses forces, tira.
Au même instant, Gemme cracha une nouvelle fois son feu dévastateur. Mal lui en prit, car SASEB déséquilibré recula, prenant de plein fouet le souffle du dragon et faisant écran à Túrin le futé.

La chaleur délivrée fut telle que la lourde armure du Roi en fut chauffée à blanc en émettant un sifflement strident, et sa cape tomba en cendres parsemées de poudre d'or. Nulle douleur ne sembla atteindre l'être en dessous du métal. Il resta un instant immobile, et plus vif que l'éclair il se retourna et saisit le coup du Forge-Rune de son énorme main gantée de fer, brûlant sa peau dans un bruit répugnant et le soulevant du sol.

"Poursuis les deux fugitifs, Gemme, et transforme-les en rôtis. Je pense que ta présence ici n'est pas nécessaire.
-A vos ordres, majesté."

Penaud, le grand dragon inclina la tête puis s'élança dans les airs à la poursuite de Gérard et Laly.

"Quant à toi... Tu vas regretter dans la douleur de t'être levé contre un Dieu! Tu as plus cultivé l'arrogance que les champignons au fond de ta grotte! Tout immortel que tu es, tu n'en demeures pas moins un Homme, et un Homme ne peut rien contre un Dieu!"

Túrin tentait de se libérer, tapant de ses pieds contre la cuirasse et collant ses mains aux doigts de son assaillant pour les écarter et s'octroyer un peu d'oxygène. Entre ses gémissements, il parvint à articuler ces mots:

"J'ai tué un Dieu... Un jour."

SASEB partit dans un fou rire:

"Ahahahahahah! Bwahahahah! Ce n'était pas le Dieu qui chassa les Deux-cent démons majeurs de ce monde! Et tu étais accompagné d'un précieux allié... Aujourd'hui tu es seul. Et c'est seul que tu mourras."

Joignant le geste à la parole, il lâcha Túrin à terre et se saisit de son immense épée, qui s'éleva lentement, prête à frapper.
Une ombre apparut là où un instant plus tôt il n'y avait personne.

"Seul, non!"
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