Excursion forestière qui tourne mal [Owein et/ou Hypnos pour l'instant]

C'était un No man's land. Une terre où d'étranges êtres vivaient, ni hommes, ni mêmes animaux, c'étaient des sauvages, ils avaient été contaminés par un dangereux virus. Les suites des retombées radioactives de la bombe atomique qui avait ravagé la capitale. La terre était stérile, c'était un genre de désert gris, de la même couleur que le ciel. Mais le ciel n'avait pas vraiment de couleur. C'était un gris terne, presque noir, comme chargé d'un orage meurtrier. La météo avait toujours été comme ça depuis plusieurs années. Jamais il n'avait plu, jamais il n'avait neigé, jamais le soleil n'était revenu voir le monde. La terre qui recouvrait le no man's land était une sorte de sable gris, de la poussière, c'était grotesque. Plus aucune plante ne poussait.

Et dans ce climat de fin du monde, un seul être subsistait. Un être humain. Il marchait. Un objet de métal à la main. Une peau sale, des vêtements presque fantomatiques. Il était l'un des derniers survivants au monde. Tous les autres étaient soit pucés, soit morts. Oui, car l'Almo contrôlait la totalité des personnes du monde via des serveurs situés presque partout dans le monde. Ils agissaient comme des robots, une puce remplaçant leurs cerveaux.

L'homme marchait, et pendant qu'il marchait, il se remémorait ses jours à la fac : comment il a vécu le jour sinistre où le chaos est tombé, comment il a échappé à aux radiations, comment il a tué d'autres survivants pour survivre lui même, comment il a été confronté à sa famille changée en monstres, comment l'amour de sa vie n'est plus qu'un automate qui répète toujours la même chose... Et lui, il était seul. Plus personne à soutenir. Mais il allait changer les choses. Au coeur du no man's land, une idée lui vint. Il allait faire une riposte graduée.

Gérard se réveilla. Il resta un moment immobile à reprendre ses esprits, puis il soupira, avant de chuchoter (bien que personne ne put l'entendre) :

<<Encore un rêve étrange... Etait-il passé ou futur ? Je ne sais pas... Je ne sais plus...>>

Il semblait être encore fatigué, pourtant il se leva, arrangea sa capuche, regardant autour de lui : Laly dormait plus loin. Il ne faisait pas encore jour, mais le ciel était plus clair déjà. Il resta immobile un moment, semblant contempler le paquet de couvertures qui recouvrait le corps de son (apparemment) amie. Il s'approcha, attisa un peu le feu pour réchauffer l'ambiance, jeta un oeil autour : le compagnon de Laly s'était volatilisé. Il laissa donc ses affaires importantes près du feu de camp, pour, semblait-il, bien lui faire signifier qu'il ne partait pas pour longtemps, qu'il allait revenir. Et le fait qu'il partit sans prévenir disait implicitement que ce serait inutile de la réveiller, de toute manière. Il marcha donc, pas très loin. Quand il entendit quelques bruits.

Se faisant plus discret, il se cacha derrière un arbre et jeta un oeil. Un feu de camp brillait au loin, mais ce n'était pas le sien. Il marcha lentement pour s'approcher, un peu baissé. La scène devenait plus clair. Un groupe de plusieurs hommes, qui se parlaient bruyamment. Ils semblaient comploter quelque chose.

Gérard en était à tendre l'oreille pour les écouter quand soudain, il entendit une branche craquer dans son dos. Il se retourna, sur le qui-vive. Quelqu'un approchait.

Ami ou ennemi ?

Une brise lourde de silence suivit ce craquement. les grands pins droits donnaient à ces sous-bois une allure de temple dont les colonnes s'en allaient à l'infini, à travers la brume. Gérard essaya de localiser la provenance de ce bruit suspect. Nul animal ne semblait errer entre les racines noueuses.
Il leva alors son regard vers la sombre canopée, et il lui sembla apercevoir une silhouette accroupie sur une large branche. Cette dernière murmura quelque chose d'incompréhensible, et un instant plus tard, Carrock descendit au sol, tauga Gérard, puis piailla pour signaler à son maître l'idendité de l'intru.
Sans un bruit, Owein jetta la corde vers le sol et y glissa jusqu'à terre. Dissimulé par sa capuche rapiécée, il tenait entre les mains une sagaie et un propulseur grossièrement taillés.

"Bonsoir, Gérard le musicien. Que me vaut l'honneur de vous avoir sur mes pas?"

Il jetta un regard vif vers le campement de là petite clairière. Sur le feu de camp, une broche tournait lentement, exhalant des odeurs de viande grillée.
Discutant à voix basse, cinq, peut-être six personnes mangeaient. Leurs visages étaient mangés par la barbe, leurs habits couverts de sueurs, sales et usés, ne présagaient rien de bon. Autour d'eux, leurs affaires n'étaient guères innocentes: matériel de survie, armes, vivres, fourrures.

L'homme encapuchonné fut aussi surpris que si le fantôme de l'empereur avait surgi devant lui pour lui demander des cookies (c'est à dire nullement). En fait, il avait entendu le vent passer dans les instruments de son ami le barde. Là où ça devenait compliqué, c'était que la descente improvisée avait fait un tel raffut que les hommes près du camp avaient tout entendu. Ils se tournèrent tous comme un seul homme vers Gérard (qui baillait tellement fort que toute la forêt se réveilla) et vers la sorte de faucheuse. Ils échangèrent quelques paroles dans un dialecte apparemment inconnu, puis l'un d'eux se leva et cria "Attrapez-les !". Les autres se levèrent, et d'un coup, ils étaient différents. Leurs ombres se mouvaient à une vitesse différente, et leurs silhouettes étaient plus élancées, plus féroces, plus... Animales ? Gérard sentit quelque chose contre sa jambe. Un rat lui mordait le pied. Il laissa s'échapper une plainte d'un nouveau genre : un cri de douleur dans lequel se mélangeaient tristesse, douleur, et bâillement.

<<Aaaah... Nous allons devoir remettre nos retrouvailles à plus tard, jeune barde venu de l'ouest.>>

"J'ai rare-" secoua sa jambe pour envoyer le rat plus loin. Il semblait humain, ce rat. L'homme à la capuche se redressa de toute sa hauteur, de toute sa musculature fébrile et de toute l'ardeur dont il disposait, comparable à celle d'un homme qui se retrouvait jeté de la taverne après avoir trop bu. Un sourire mystérieux se dessina sur son visage, sa voix ne tremblait pas, ou tout du moins, elle tremblait comme une feuille.

<<Bien, il semblerait que nous n'ayons pas le choix. Nous allons devoir battre... En retraite !>>

Et il détala sans demander son reste, tandis que les Animalitos les poursuivaient...

https://www.youtube.com/watch?v=GfO3szikvnI&feature=related
Owein prit également ses jambes à son coup. La forêt jusqu'ici très calme bouillonait soudain d'activité. Des lucioles diffusaient une pâle lueur à travers la nuit et milles yeux clignaient dans les fourrés. Le martellement de ses pieds battaient dans les tempes d'Owein, jusqu'à étouffer tout autre bruit.
La fuite était évidemment la meilleure des solutions, un dormeur trouillard et un malandrin poète n'avaient évidemment aucune chance façe aux bêtes féroces qui les suivaient. N'osant retourner la tête, il entendait néanmoins des grognements et feulements derrière lui.
Gérard, à son niveau, gambadait maladroitement dans son ample vêtement. Le rythme de son enjambée, grande et soutenue, venait sans doute de ses nombreuses fuites, songea le ménéstrel. Craignant d'attirer les hommes des bois, il ne communiqua d'aucune manière avec Gérard, ne lui demanda pas s'il avait des compagnons ou un campement non loin. Tout ce qu'il savait c'est qu'il avait une planque trois kilomètres au nord, un nid à la cîme d'un pin millénaire, sans échelle ni corde pour y monter. Lui seul pouvais y accéder. C'était la meilleure issue de ce guêpier, mais il se refusait de laisser son compagnon d'infortune à son triste sort.

Une flèche de lumière fila entre eux, suivie de deux autres qui allèrent exploser sur les tronc dans des gerbes d'étincelles. Il y avait au moins un arcaniste avec eux. L'affaire s'annonçait de plus en plus mal. Leurs ennemis n'étaient pas de simples rôdeurs, et il allait encore foirer une mission. Les conséquences seraient forcément néfastes. Emplit de peur et de rage, il accéléra de plus belle, retenant son instinct qui lui hurlait de prendre son envol.
Il n'entendait plus rien derrière, lui, mais il connaissait bien l'odorat surdéveloppé des animalitos. Ce qu'il ignorait, c'est que quelqu'un d'autre errait dans ces bois. Quelque chose de bien plus fou, de bien plus vicieux qu'un renégat...
Haletant, il tomba à la renverse dans les fougères humides. Quelque chose était là...

"Gérard, c'est vous?"